15 avril 2025
Jean Maillard
Haut perchée, rouillée par endroits, cette vieille « plaque de cocher (1) » semble somnoler sur le mur d’une maison de Cholet.
Elle a été installée à ce qui était alors la limite de la ville, à l’intersection des voies la reliant à la Tessoualle et au Puy-Saint-Bonnet.
A compter de l’ordonnance de 1835, la « signalétique » des routes se mettra en place très progressivement, ce qui rend toute datation précise.
Variant selon les régions et les époques, ce type de plaque était placé à plus de deux mètres de hauteur au sommet d’un poteau ou, comme ici, sur le mur d’un bâtiment. Certains poteaux existent encore dans les campagnes françaises. La hauteur à laquelle se situait la plaque permettait aux cavaliers, dont les cochers, de se repérer sans mettre pied à terre. Pratique qui a donné son nom à ce type de plaque.
En fonte, sans doute, sur fond bleu avec des lettres en relief, la plaque choletaise comprend six lignes. Les trois dernières indiquent pour le voyageur la position, la direction et la distance. La deuxième ligne, « chemin de grande communication », désigne une parmi les multiples catégories de route françaises qui ont existé au XIXe siècle : route nationales (ou royales ou impériales), routes départementales, voire d’intérêt commun, chemin vicinaux ordinaires, chemin ruraux et voies urbaines… Ces classifications variables selon les époques permettent d’en attribuer la gestion financière aux communes, aux départements ou à l’État pour charger ou décharger tel budget.
S’agissant d’un « chemin de grande communication », c’est au département qu’incombaient l’entretien et la signalisation, ce qui explique la première ligne.
Mais, allant de Cholet à Pouzauges, le chemin n°26 traverse alors trois départements. Sur 5 km 400, comme indiqué sur la plaque, il circule en Maine-et Loire, puis pour un « faible parcours » en Deux-Sèvres, et pour l’essentiel, durant une vingtaine de kilomètres en Vendée.
Essentielle pour Cholet, « cette route, une des plus fréquentées, [est] la seule qui mette en communication directe Cholet et un grand nombre de localités du département de la Vendée. »
Cholet demandera en 1872, sa prolongation via le Champ de foire (l’actuelle mairie) et la place Travot avec raccordement à route impériale. Ainsi, la charge de cette partie de voie passerait de la ville au département. Mais en vain.
En 1884, le département du Maine-et-Loire constate que « sur son faible parcours dans le département des Deux-Sèvres, [la route présente] les rampes les plus rapides et les courbes les plus dangereuses » sans oublier « le mauvais état de la traverse […] dans le bourg du Puy-Saint-Bonnet (Deux Sèvres) » et demande sa réfection.
Mais qu’allait dépenser le département des Deux-Sèvres pour une portion de route qui ne lui profiterait pas ?
L’« excentricité » du petit bourg du Puy-Saint-Bonnet* par rapport à son département d’appartenance, sa simple fonction de point de passage sur une route dont l’intérêt essentiel concernerait surtout Cholet et les localités vendéennes desservies pouvaient difficilement justifier de telles dépenses.
*Rattachement du Puy-Saint-Bonnet à Cholet le 1er septembre 1973.
La mise en place de la ligne de chemin de fer Cholet-Niort, fit oublier le problème… et la plaque.
Plus tard, l’arrivée de l’automobile rendit obsolètes ces plaques de cocher qui furent alors détruites, remplacées, collectionnées ou abandonnée à la rouille qui ne dort jamais.
Références
Département de Maine-et-Loire, Conseil général, Rapport et délibérations, Années 1874, 1884, 1885, etc.
Antoine Beyer, « La numérotation des routes françaises. Le sens de la nomenclature dans une perspective géographique. », Flux, n°55 Janvier-Mars 2004.
Une autre plaque de cocher...
Département de Maine-et-Loire
Commune de Cholet
Chemin vicinal ordinaire n°7
du May à Toulemonde par les Landes
Les Paganes
← Toulemonde 7 km 100 / Le May 10 km 200 →
La photo a été prise par Michel Lefort juste avant la destruction du bâtiment sur lequel elle se trouvait.